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Pauvreté, deux Tunisie en une

Alors que certains disent que la révolution a été « volée », n’est-elle pas « simplement » incomprise et non désirée par la majorité ?

La Tunisie est l’un des pays les plus pauvres de la région MENA (Middle-East and North Africa). Voilà ce qu’il faut retenir d’un rapport publié par la Banque mondiale, intitulé « Accélérer la réduction de la pauvreté en Afrique pour 2019 ».

Toute personne vivant sous le seuil de 20,3 dinars par jour est considérée comme étant pauvre, lit-on dans le rapport. Et, toujours selon lui, un demi-million de Tunisiens vivent avec moins de 4 dinars par jour.

Voilà une réalité difficile à cacher pour les responsables. Les Tunisiens, quant à eux, qui s’inquiètent du vide politique persistant alors que les trames de la deuxième tentative de formation d’un gouvernement n’ont toujours pas abouti.

Comment expliquer que neuf ans après la révolution, un demi-million de Tunisiens vivent sous le seuil de la pauvreté ?

A qui la faute ?

Outre l’échec des politiques économiques qui ont suivi les multiples gouvernements qui ont défilé place de la Kasbah, c’est l’absence de volonté politique qui est à pointer du doigt. Toutefois, l’exercice de la démocratie, bien que difficile, ne doit en aucun cas impacter la croissance économique d’un pays, aussi petit soit-il.

Si les conditions sécuritaires ont laminé le tourisme, principale source de revenus pour l’économie tunisienne, nous n’avons pas entendu parler, chez les responsables tunisiens, de lutte contre la pauvreté ou d’actions avec un certain impact dans cette lutte, qui devrait être de tous les fronts.

Par conséquent, plusieurs questions se posent. Le problème de la pauvreté est-il sérieusement posé ? Qui, parmi les candidats aux élections législatives et présidentielle, a proposé une véritable stratégie de sortie de crise ? Très peu en nombre et en qualité.

Le tableau est tel qu’il existe deux Tunisie en une : l’une « encapsulée » par l’autre ! La Tunisie du pauvre, qui vote massivement aux élections, et la Tunisie du riche, intellectuelle, qui s’adonne au sport de la critique des choix politiques de l’autre, sans vraiment comprendre ce qui la motive.

L’absence de communication et de dialogue a poussé les Tunisiens au déni d’une triste réalité : la pauvreté. Et aux mauvais choix.

Plus difficile la transition

Désormais, c’est la motivation même de ces choix qui est à étudier : pourquoi les « pauvres » font de tels « choix », ils sont pourtant à l’origine des principaux changements dans la société, ils sont à l’origine des révolutions, tels que Bouazizi, simple vendeur ambulant, l’a été.

Alors que l’autre Tunisie, celle des intellectuels et juges des choix des autres, n’a pas réellement évolué non plus : outre la critique, n’a-t-elle pas cherché à comprendre le phénomène en profondeur ? N’a-t-elle pas essayé de communiquer avec l’autre Tunisie dont elle est tout de même tributaire ?

Non, car narcissique, car embarquée dans des projets de société, bien que respectables, peu prioritaires, prise par l’élan des idéaux, de l’égalité des sexes sur le papier, de la liberté de conscience avant l’accès à l’eau potable. Avant l’égalité des chances.

Prise au piège par son irréalisme et alimentée par le conflit des classes et le dénigrement de « ceux qui ne savent pas », nourri notamment par l’appartenance politique que la démocratie devrait normalement rendre plus fair play : les Tunisiens ont appris à se détester.

Et ils ne manquent pas une occasion pour le montrer : aux cafés, dans les stades de foot, dans l’hémicycle et même sur les réseaux sociaux. Ils se reprochent leurs choix respectifs, différents. Ils s’adonnent à la discrimination : religieuse, de classe, et même raciale, en s’écartant de plus en plus des objectifs de la révolution.

Une révolution qu’ils n’ont peut-être pas choisie finalement : imposée par une minorité ? Incomprise ? Un changement qu’ils continuent à subir sans comprendre, ce qui rend plus perplexes les gens. Et plus difficile la transition.

La contradiction tunisienne

Alors que certains disent que la révolution a été « volée », « récupérée », n’est-elle pas « simplement » incomprise et non désirée par la majorité ?

Il faudra attendre longtemps avant de voir grandir l’intérêt pour le changement. Et son avènement ne se fera qu’avec les générations futures, car celles qui occupent le pouvoir sont encore influencées par les années Bourguiba et Benali que certains continuent à citer comme modèles à tort et à travers.

En l’occurrence, c’est l’éveil qui manque, le déclic, pour certains, qui ne considèrent de leur vision court termiste que les choses essentielles pour la survie. Et qui n’ont pas encore mûri pour accéder au deuxième palier des besoins de la pyramide de Maslow. Ils en sont toujours aux besoins physiologiques : manger et se protéger.

Le rapport entre les deux Tunisie est souvent paradoxal : les uns servent les intérêts des autres, les uns font travailler les autres. Et aux contradictions de fuser : des Tunisiens instruits, « cultivés » et fervents défenseur des libertés emploient chez eux des aides ménagères, qu’ils ne déclarent pas, pour un salaire minable, et parfois sans même atteindre l’âge de la majorité.

Ces mêmes Tunisiens défendent les droits de la femme et l’égalité des sexes ? Fin de la blague.

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